Je vis au bord d’un canal,
quelques fois des canards se risquent sur ma terre ferme et viennent
accompagner mes pas jusqu’à la porte, une révérence humide.
Mon vélo est gris, je longe avec
lui la ville, d’eau en eau, je parcours les rues calmes. Cheveux noirs au vent,
une aberration parmi tout ce blond.
Je vis au bord de la ville, le
vert m’émeut encore, même en overdose, le soleil se fait désirer, alors, je
pédale pour oublier que le sud est loin, parfois je me noie dans un pavé d’histoire.
Je vis au bord du souvenir. J’ai
des envies de meurtre pour la distance qui m’éloigne d’Elle, des rêves d’exterminer
un à un les kilomètres qui me séparent du bitume familier, de la chaleur du
foyer originel. Je joncherais le sol et la mer des mètres morts.
Des envies de meurtre quand l’écran
me parle et non ma mère, quand mes amis se réduisent à des codes binaires.
Des
nostalgies de l’intense, de la foule que je connais, des visages familiers et
familiaux, des leurs rires, de nos danses. Je n’avais pas connu l’exil à Paris,
je le connais maintenant. La solitude est un poison.
Heureusement…
Je vis au
bord d’un canal, le temps est plus doux, le soleil, moins capricieux, quelques cygnes au pied de
ma porte et des bateaux qui tanguent, alors je tourne, tourne les pédales,
comme autant de moulins, un Don Quichotte urbain.
Heureusement…
Que mon
panier est rose, un beau bouquet de tulipes au salon, et par un 18 pouces, une
fenêtre sur ce que j’ai laissé, quelques senteurs filtrent, quelques sons. Une
tête brûlée parmi tout ce blond.