lundi, septembre 28

J'écoute aux portes


J’écoute aux portes...Aux murs, aux vitres ouvertes, aux persiennes closes.

Pourquoi le fils du voisin crie quand il prend un bain ? pourquoi la télé des gens d’en face est toujours en bruit rose?

J’écoute les superpositions d’octaves des gens qui parlent dans les cafés bondés, j’isole les conversations des plus insignifiantes aux plus corsées.

Les mots des gens sont différents, leurs voix n’ont pas le même son…ils finissent sans le savoir par ne dire que le même sens, les gens ne savent pas que quand ils murmurent, leurs secrets ne murmurent pas…

Les gens ne savent pas qu’ils ont toujours les mêmes tabous, qu’ils se penchent pour dire les mêmes mots, qu’ils ont les mêmes hontes et les mêmes péchés, que d’aussi loin que les chemins se perdent, ils finissent toujours par se croiser.

J’écoute aux portes, il y a toujours des rumeurs, la femme de gauche veut divorcer, je ne sais pas qui restera : le grave indifférent, alto masculin, ou sa voix trahie en saccadé.

Les boîtes à lettres débordent parfois, des feuilles blanches qui violeront l’intimité des portes closes...Morceaux de bois fermant les pierres béantes…qu’aurais-je à écouter aux portes si les portes n’étaient pas là.

J’aime le bruit que fait le non dit, j’aime quand ça chuchote, quand ça traverse une paroi, une couche de non soi…ce n’est pas ma faute…ce n’est pas ma faute si…
Les vitres laissent passer l’air parfois, si les murs sont indiscrets, si on oublie de verrouiller…ce n’est pas ma faute si les lumières filtrent toujours, si je sais lire sur les lèvres, si je sais taire les voix qui me ciblent pour n’entendre que l’à peine audible.

J’écoute aux portes, et je ne me sens pas méchante pour ça. L’intimité est une notion de vue, une persistante rétinienne absolue, la voix n’a rien d’intime, antidote au silence, elle porte de nous une vitrine, elle nous expose, nous exhibe, entre les plis des robes, les replis des parois, contre les portes et épaisseurs des dalles, elle nous vend, nous prostitue.

Ne m’en voulez pas
J’écoute aux portes

Les gens disent de ces choses ! Ils sont tout le temps inquiets, ils crient sur rien et de temps en temps fusent leurs rires dévergondés, j’ai mes sons, j’écoute aux portes, j’ai mes raisons…les mots des gens sont différents.

mercredi, septembre 23

vous parler de LUI




Un homme, aux cheveux blancs, le sourire bon des gens qui savent ce qu’ils ont semé, le sourire des gens qui rêvent ou qui ont rêvé…

Vous parler de sa main aux légers tremblements, de sa voix qui me récitait le coran, de ses livres et des pages qu’on tournait ensemble, du couffin qu’on tenait à deux, vous parler de lui, c’est vous parler du sang…

Il est un homme qui vous donne la vie, un homme qui vous porte dans son cœur et sur ses épaules, qui vous épèle les mots, qui soigne vos maux, qui vous prend par la main quand le chemin est long, qui vous montre le bien, qui vous donne ses yeux et la couleur de sa peau…qui vous injecte son amour et son savoir, qui vous quitte un soir…

Je vous parle d’un homme qui a offert une rose à maman et lui a écrit des lettres et lui a donné son nom, et cet homme est mon père …et que les gens ne meurent que si on les oublie, et papa est vivant…

Dans ces mots, et la mémoire, dans mes feuilles éparses, entre les plis de robes d’enfant, dans l’encens et les livres que je lis en son nom…il est dans ma voix, dans ma voie, dans les méandres de ma foi…il est là où le souvenir le porte, là où il a passé ses doigts.

Il me racontait sur la route des saules, la course folle des atomes et les poèmes d’antan, il me chantait –faux- des vieilles chansons, il parlait pendant des heures de son amour pour les fleurs, pour la vie, et les vivants.

Papa a marché sept kilomètres à pieds pour étudier, il a fabriqué son cartable…papa m’a montré que les belles choses sont celles qui sont trompées de sueur, papa est bon. Pas d’imparfait, ce serait le tuer et les gens ne meurent que si on les oublie, et papa est vivant.

Vous parler de lui, c’est vous dire les milles gentillesses et ses sourires, c’est dessiner son dos courbé sur les livres, vous parler de lui c’est l’esquisse de ma mémoire, c’est l’essence de mon savoir, et c’est vous parler d’un rectangle blanc.
Ils diront qu’il ne reste que ça, qu’un bout de terre et du marbre, mais je ne crois pas.

Ils diraient paix à son âme, l’homme finit avec son pouls, là ou commence la douleur, non, l’homme survit par la douleur, par le manque et par le vide, la mémoire d’un homme n’est pas un fantôme, c’est l’éther qui remplit le néant, qui se vide dans le rêve et se vide dans les mots et se vide dans le sang.
Vous parler de lui, c’est l’aimer mille fois, et ce n’est pas me taire… vous parler de mon père.

dimanche, septembre 20

Ré capitule


Précédemment dans Wordtrash :

Après quelques essais de préambule, mima s’essaie à l’amour, à l’homme, à la femme, aux mots de ce monde, aux maux de ce monde…dépassé la nouvelle année, elle rit sur ses bêtises, sur ses cris, pleure sur sa ville, sur les vices…dénigre les légendes d’aujourd’hui, écrit décembre et les mots brisés en français…reprise après la panne et le championnat…le monde est toujours aussi con, elle ne pouvait pas dire autrement…réflexions sur les génuflexions de la Tunisie, trompée de chocolat et d’ennui, elle appelle sa maman d’aussi loin que porte sa voix et lui parle des gens, de leurs rêves, de leurs crimes, de leurs passions, de leurs trahisons…et elle finit la saison avec la société de consommation, mouton conscient parmi le troupeau, elle se rend compte un petit peu des bourreaux, des barreaux et avant de refaire son monde, elle sème des si, elle sème des oui…

mardi, septembre 15

Anté- cèdant.



M’en veuillez pas si je tourne en rond, si je fume pour faire des ronds, si je baisse parfois la tête, si je courbe parfois l’échine, ne m’en veuillez pas de passer des fous rires aux larmes, de jouer les citadines, de se la jouer provinciale, de porter mes blue jeans et mes Ray ban…et dénigrer aussi, la coca cola.

Ne m’en voulez pas si je ne suis pas cohérente, si je suis croyante et féministe, si j’aime le rock et les seventies…si je suis la fille de mon temps et de croire encore au prince charmant.

Oui, je fais les boutiques avec un air nonchalant, oui je suis le pur produit de la société de consommation, mais j’arrive encore à pleurer, devant les documentaires où des enfants faméliques se font exploser en dessus des mines…

J’aime la french, et les bigoudis, et les jupes crayons, j’économise pour acheter un nouveau chemisier blanc, mais ça me fait un mal de chien de croire qu’en même temps, 3 femmes se font battre…et qu’une une minute, deux femmes sont violées au moyen orient.

Je ne supporte pas de voir la laideur, je ne supporte surtout pas la méchanceté, j’aime à croire qu’il y autant de gens bons que de belles chaussures. J’aime à croire qu’il y a autant de gens qui se démènent pour faire du bien que de gens qui dessinent les robes et qui testent les parfums. J’aime à penser que je ne porte pas de coton fabriqué avec les mains d’enfants. Que je ne marche pas sur des tapis qui ont abîmé les yeux de petites filles. J’aime à penser que comme la pub, la marque est lisse et sans secrets, que la sauce tomate concentrée est faite avec amour, que les vaches nous donnent leur lait de bon cœur.

J’aime à penser qu’il n’y a pas d’envers au décor…

Ne m’en voulez pas si je sais être superficielle, si je peux parler des heures des embouteillages et des recettes de pâtes et vous embêter aussi à propos de la pollution…je peux pleurer sur mon mascara qui coule, qui coule parce que j’aurai trouvé que les banquises qui fondent sont des maisons détruites pour les ours blancs.

Femelle mammifère parmi des milliards d’autres sur terre, je fais partie de cette espèce qui a colonisé toutes les niches et les continents, point parmi d’autres dans la mosaïque de la vie, je fais partie de ces êtres qui par chance sont le centre de leur vie…les rares que nous sommes d’être conscients que nous existons, et nous faisons de notre terre notre terrain de jeu et nous fabriquons et nous consommons…

J’aime à croire que je jongle entre deux fils et j’ai peur d’avouer que je ne sais tout simplement pas jongler. J’habite la jungle de la ville, je côtoie les fous et les charlatans, je passe devant les livres et les diamants…je m’arrache à ça, je me détache parfois…j’aime à croire encore, qu’il n’y a pas d'envers au décor.

jeudi, septembre 3

Et si je...


Et si j’arrêtais de jouer ?
Et si je pleurais et si je frappais le sol de mes pieds
Pour retrouver un court instant
Ma rage d’enfant
Ma rage pure d’enfant, et que je boude et que je refuse de jouer le jeu
Et que je n’aie pas honte d’avoir l’air malheureux

Et si je ne voulais plus sourire et que j’ai eu trop mal à rire
Quand tout autour de moi est mort et quand c’est froid et quand c’est fort
Et que quand mes larmes menaçaient de me divulguer
J’avais trop tiré sur mes lèvres, trop joué mon sourire mièvre

Et si pour une fois, je dis non
Et que devant cette masse grise, de gens sains bien portants
Et que devant la foule d’indifférents et d’insouciants
J’exhibais mes plaies ouvertes…mes petits malheurs
Mes grandes déceptions

Et que quand viennent les soirs d’automne, je ne me cache pas derrière mes livres
Et que je parle, que je leur dise, que je vous dise le manque en moi, le vide en moi
Et ces années de deuil, et cette année d’abandon et le cœur qui chavire, le cœur qui désapprend

Si j’envoyais mes fleurs mortes, si je sortais mes placards
Pour déterrer en moi les fautes
Si seulement…si seulement

Mais je ne peux pas
Je ne peux plus laisser le masque et abandonner le troupeau
Je ne peux pas me suicider devant leurs yeux
Je ne peux pas montrer le faible
La jungle est là, la jungle est là…

Quand seule dans le noir
La nostalgie m’assaillit
Je ferme les poings, je compte les nuits
Et je terre le mal derrière l’ennui
Et je terre le souvenir derrière l’oubli

Et si j’arrêtais de jouer ?
Et si de mes gonds je sortais ?
Tant de si qui me scient
Tant de non, tant de mépris

Et quand tombera sur moi le soir
Quand le rideau frôlera mes pieds
Je laisserais libres
Ma hargne et les flots
Et l’énergie du désespoir

Je frapperais de mes pieds le sol
Je refuserais de jouer le jeu
Je n’aurais pas si honte que ça
D’avoir l’air malheureux