mardi, mars 15

Dolce Vita !




Si la racine retrouvait sa terre, je ne serais plus un nénuphar suspendu à la surface de l’éther.

Je suis olivier, arbre, bois et paume huilée. J’ai fait le tour de la méditerranée sans penser, et puis j’ai vu que le soleil a beau être grand, il brille différemment sur les plaines de Carthage et le sang de Carthage qui bat : boum boum, au rythme de la darbouka.

Le vert qui borde nos routes est précieux, mon jean est trop bleu. Sidi Bou Saïd m’éclipse d’humilité…et quand Carthage se profile, la grandeur d’une reine te prend à la gorge.

J’ai des envies de Marcel Khalifa sur la route de la Marsa, des envies de glace chocolat vanille, des envies de café sur la falaise de Gammarth…mes envies tunisoises sont des gourmandises patriotiques, mes envies de fondant parisien sont trop éthérées, purement digestifves…nullement indispensables.

Et là devant la mer, tout sonne comme un besoin, tout est poignant même la soif devient affaire d’état.

Sur fond de Zucchero, quelque chose d’italien m’étreint devant la Corniche, comme une dolce Vita révolue, comme du Fellini ressuscité, si vous saviez si vous saviez la beauté qui nous appartient.

Mes amours tunisoises, mes amours d’asphalte, mon attachement viscéral à quelques virages familiers, à quelques pignons de rue, à quelques sons, et senteurs

Des cercles, des jasmins enserrés, du nord fleuri piqué sur la palme du sud, des mechmoums à profusion sur fond d’iode…des cercles blancs sur les oreilles curieuses des passants.

Je ne mesure pas mes jambes, je n’ai que des pédales, flâner à Tunis se fait sur quatre roues, les reste est littérature et pollution, n’empêche, j’ai toujours des encadrés de vitres à moitié ouvertes et des chansons de radio quand je revois la ville, rien ne se fait sans une carcasse mobile…rien ne se fait sans le vent dans les cheveux sombres, sans l’envie de s’attarder avec fond de klaxons.

Quand la racine retrouve la terre, c’est comme un pic dans un cardiogramme mourant, je suis une systole manquée, je suis battement.

Il est un vert nouveau à Tunis, des hommes en vert, il est un char devant mon école et un char devant ma boutique et un char devant ma maison, il faut être à Tunis pour aimer décorer les chars des fleurs sans saisons, des envies de jeter des baisers aux soldats, de se transformer en Marilyn le temps d’un été et sur les balcons de la Goulette des Cardinale splendides : dire merci au féminin…le romanesque tunisien.

Il est un son nouveau, et le bleu est le même, le ciel caricatural de splendeur, les terrasses bondées conjurent un sort, la mer est insultante d’azur, et le soleil ne connaît pas de révolution, de grèves, d’abjuration. La terre continue à tourner même si le Japon a bougé. C’est comme ça à Tunis, les journaux content un ailleurs et la seconde bouche le sablier. C’est comme ça dans la ville des voiliers, des marins puniques, des beys.

Quelque chose aux abords du Café Journal te fait oublier le monde autour, quelque chose dans les cris d’enfants du parc à coté et les mouvements félins des chats du quartier.

Un son de Bouchnak résonne dans la nuit banlieusarde et les fumeurs perdus dans leurs volutes sucrées, tirent, tirent sur un mégot mourant, l’espoir d’une renaissance des cendres, d’une aube rose sur les collines millénaires.

Et là devant la mer, tout sonne comme un besoin, tout est poignant même la faim, les bambalounis sont émouvants dans leur sucre collant, et les ganneria n’ont jamais été aussi coquines, quelque chose de Brahem dans l’air quand je longe le port et des envies, encore et encore d’un thé vert et amer…

Aucun commentaire: