
Images terrifiantes...
Il m'a fallu du temps et beaucoup de thé vert pour retrouver mon calme et mes mots.
Des filles voilées de 2 et 3 ans pour accueillir un islamiste...
Et donc, ce monsieur Ghannouchi qui vient et qui est accueilli par des milliers de gens, dont justement ces petites filles voilées, ce monsieur qui a revendiqué il y a quelques jours que la révolution c’est lui et qu’il était l’un des protagonistes de ce changement...cet homme on l’a fait messie hier à Tunis, on l’a sanctifié, sacralisé, on l’a élevé sur un piédestal.
Si mes cauchemars avaient une essence, cette essence serait ce qui s'est passé hier à l'aéroport Tunis Carthage.
Où est l'exception tunisienne, la Tunisie était absente hier, quelque chose qui me dépasse et la dépasse est survenu, quelque chose nous vole cette révolution.
On pourra me dire que 3000 personnes ce n'est qu'une minorité, mais 3000 personnes à l'aéroport ce n'est que la partie apparente de l'iceberg.
Que s’est-il passé ? Où sont les enfants de Bourguiba ?
Je suis musulmane, je l’écris, je le crois, dans mon intime conviction et dans mon intime croyance, je ne murmure que « أشهد أن لا اله إلا الله».
Je suis musulmane mais je ne veux pas que l’état, me définisse mon islam, la religion est ma question intime, je veux garder la liberté de mon islam à moi, qu’aucun cheikh ne mette ses propos en loi.
Je veux que les gens non croyants soient libres de l’être, les hommes ne jugent pas les cœurs. Ma grande dignité serait le respect de ma foi et la foi des autres sous une même bannière. Ma dignité à moi ce ne serait pas d’abolir les bars où je ne vais pas et les clubs où je ne danse pas, ma liberté serait de coexister avec les différents de moi.
Ma grande liberté c’est de parler avec mon amie voilée des mille et une façons de voir la religion et de la pratiquer, et en parler librement, et qu’on s’échauffe et qu’on s’énerve pour en rire doucement. La religion est une question d’intime conviction et non de lois, non d’état.
Abolir une dictature pour retomber en islamisme ce serait leur prouver qu'ils ont raison, que la seule alternative à une dictature arabe est l'état religieux, et si un pays, un seul pouvait leur prouver qu'ils ont tort, et qu'une démocratie où chacun est libre de son culte et de sa parole est possible dans le monde arabe, ce pays serait la Tunisie.
Et si un seul peuple pouvait se prouver et leur prouver que la tolérance de l’autre passe par le respect et que la tolérance de l’autre est de lui accorder les mêmes libertés et les mêmes droits, ce peuple serait mon peuple à moi.
Dans mon pays, on n’aura pas de débat sur l’identité nationale, on n’aura pas de débat sur la légitimité du voile et de la mini jupe, dans mon pays à moi, les mosquées resteront ouvertes jusqu’à pas d’heures et les night clubs aussi.
Dans mon pays à moi, je ne condamnerai pas le monsieur qui penserait que sa femme ne doit pas travailler (si elle est consentante) ni la femme libérée.
Dans mon utopie tunisienne, les gens vivront librement.
Abolir une dictature pour retomber dans l’islamisme ce serait penser que l’islam ne peut se pratiquer librement, que l’islam n’admet que des palais de justice et des lois et des obligations, que la morale n’est que musulmane.
Je suis Tunisienne dans le sang, musulmane dans le cœur et française dans mes mots…et des gens sont morts pour m’offrir la liberté, je ne trahirai pas le sang, je ne trahirai pas le cœur, je ne trahirai pas le mot.