lundi, janvier 17

J'ai foi


Trop secouée pour comprendre je n’ai fait que suivre ce qui se passait sur mon écran, vidéo après vidéo, tweet après tweet, télé après télé.
Je n’avais pas compris l’étendue ni l’ampleur de la colère, je n’aurais jamais cru qu’on allait le faire enfin ! Qu’on allait renverser ce régime, qu’on allait sortir, de l’ombre à la lumière.
Je n’avais pas compris et je l’ai compris d’un coup : il est parti il est parti, le lâche s’est enfui, la Tunisie est libre, comprenez-vous ? Je l’apprends au travail entre deux ordres et un expresso, le choc, la joie, les larmes qui montent, qui chutent et que je ne sens pas.
Ma Tunisie libre ? Ma Tunisie enfin ?
Et les appels qui fusent et le monde qui félicite, les premiers titres américains, chinois et congolais qui saluent le courage, du peuple tunisien, mes gens mon pays.
Trop secouée pour comprendre, je n’ai pas saisi l’effrayant combat après. Que font tous ces gens ? Pourquoi trahissent-ils ? Pourquoi brûlent-ils ? Qui les a armés ?
Personne ne sait répondre et les rumeurs s’emballent.
De Paris, rien ne va plus, tout le monde panique pour les gens restés là bas, j’explose mon forfait, ma tête, mon sommeil, on ne dort plus. Haute trahison, je ne peux digérer qu’un tunisien tue le tunisien, brûle ses biens, les faits me donnent raison, pleins d’étrangers sont arrêtés pour complicité : des suédois ! Des suisses !
Quelque chose cloche mais quoi ?
On peut spéculer à l’infini, se méfier de nous, de l’ennemi, le chercher dans tous les visages, le chercher partout, on le trouvera pas, je le sais, le nommer serait terrifiant, moi-même, je n’ai pas envie de savoir, je ne veux pas m’horrifier, le pouvoir aliène, le pouvoir mortifie.
On est lundi, ma sœur est allée travailler, tout le monde a peur évidemment, mais tout le monde est content de retrouver la vie, de retrouver le soleil et les collègues, les embouteillages, et les cafés fumants.
On revit, maintenant j’ai compris.
Après le calme de ce matin, dans la voix de ma mère alors qu’elle faisait la queue pour avoir du pain, dans la voix de ma sœur alors qu’elle commençait sa journée de travail.
J’ai enfin compris.
Nous sommes libres, libres et heureux et on a payé le prix, ils ont payé le prix.
Maintenant j’ai compris, il fallait que ça se calme, il y a les hommes et les chiens et il fallait les chasser pour respirer enfin.
Maintenant j’ai compris, tout ira bien pour nous, nous sommes libres, amoureux de notre patrie, ce sera difficile et long mais on connaît maintenant le chemin, on l'a déblayé de nos mains
Les gens sont inquiets, je suis inquiète aussi mais j’ai espoir, l’espoir annule mes doutes.
A Sfax, les gens sont en train de nettoyer les trottoirs, de repeindre, de semer l’espoir, de dévisser les plaques salies. A Tunis la capitale se réveille, renaît de ses cendres, à Bizerte, les gens s’entraident se saluent se félicitent de survivre, dans toutes nos villes, la blancheur de la célébration et le sang des martyrs, comme sur notre drapeau se retrouvent dans les visages et les voix.
J’ai foi.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

OH Tunisiens,
Votre révolution est confisquée,on se paie votre têtes.On a pris du vieux pour faire du neuf.
Le RCD est toujours là, ceux qui vous ont crucifié reprennent le pouvoir et vous endorment avec des balivernes.
Tunisien: Battez le fer pendant qu'il est chaud.
Ne vous laissez pas berner par des promesses de pain et d'eau;
d'ici 6 mois vous aurez de nouveau un gouvernement RCD parce que c'est eux qui auront organisé les élections , et votre révolution ne serait qu'un souveni

Mohamed S a dit…

je pense que tout ce qui a été détruit sera rebâti , et c'est peut être aussi une occasion pour donner du travail à beaucoup de monde, c'est une perte de biens certes, mais cette fois au moins l'argent de la reconstruction ira dans les bonnes poches. Ces mêmes poches qui débourseront de l'argent dans le futur qui réparera les dommages de ceux qui ont été sinistrés. Je suis persuadé qu'avec du temps , et de la bonne volonté tout se rétablira.

Et même si on a eu des pertes, elles ne sont qu'infinitésimales devant les pertes qui nous ont été infligées durant 24 ans. Et si on en a produit autant et qui aie été dérobé, rien ne nous empêchera de produire le double et le triple et plus de ce qui a été détruit.

Aujourd'hui on a des morts c'est vrai, mais s'ils le sont, tous ceux qui naîtront demain, naîtront libres. Et c'est une vraie consolation.

TunisiaMum a dit…

Pas si sûr... Ben Ali n´était qu´une marionnette comme Bouteflika, comme Mohamed 6, comme tous les autres. Ben Ali n´est qu´une devanture. L´hypocrisie du monde est bien plus vaste. Les USA ont la main mise sur notre pays, et sur l´Afrique, le Moyen Orient.
Ils félicitent par devant et ordonne à Ben Ali de fuir tant qu´il est temps et organise sa fuite.
Ils préparent un nouveau rapace qui ne ferait pas trop de dégâts au pouvoir mais qui leur garantit leur bénéfice. Ne vous voilez pas la face. La Tunisie est vue comme un pays minable et sans valeurs aux yeux des gros requins.
Pensez vous qu´Obama pleure nos morts? Que Sarko en est ému? Ils s´en foutent... Ils ne voient que leurs interêts!!!
Nous, on pleure... Pas eux...

Mima a dit…

@anonyme : oh anonyme, personne ne confisque ce qui a été acquis de droit, cette révolution dépassera nos frontières et son exception est incongrue, indépassable, elle est tunisienne et n'a pu être que tunisienne. on se rencontrera sur ce blog dans 6 mois, et on reparlera de la démocracie, de ce qu'on nous vole et de ce qu'on a pris.
@mohamed: je te connaissais moins optimiste :-)
mais je suis heureuse que même les plus cyniques redécouvrent l'espoir !
@TM : je ne crois pas que les USA nous préparent un rapace, tu sais, on est un pays stratégiquement insignifiant, sans pétrole, qui plus est ne présente aucune menace islamiste, nos manques de ressources naturelles servira au moins à quelque chose, éloigner les convoitises.
d'un autre coté, est-ce trop demander de penser que pour une fois un peuple pourra décider ?
je l'ai dit je crois parfois aux théories du complot? mais ce qui n'est pas infirmé n'est pas forcément confirmé.
je crois que 10 millions de personnes oeuvrent pour avoir leurs premières élections, leur première démocracie, et je répète j'ai foi...