mercredi, janvier 5

J'accuse


J’accuse les rois d’oublier qu’ils ne font que passer et que si le présent est amnésique, l’histoire ne pardonne jamais…

J’accuse leurs boîtes à chiffres de payer les champagnes et les yachts et j’accuse le chômage officiel de grignoter ses numéros.

Je nous accuse, nous marionnettes pas si manipulables qu’ils ne veulent nous faire croire…je nous accuse de silence, je nous accuse de faux dépit, de fausse colère…
J’accuse les caisses d’être non hermétiques et le temps pas assez clément…

J’accuse nos prisons d’être des Guantanamo sans combinaison orange et nos rues d’être des vitrines gratuites que les affiches dénudent et prostituent…

Je nous accuse de silence et de haute trahison…ce pays, ce pays qui n’a que nous…est une courtisane tout de pourpre vêtue. Ce pays qui ne peut plus compter sur ses dirigeants, sur ces ministres vendus…

Je les accuse, leurs excellences, leurs majestés de crime d’intrusion, de mettre devant la médiocrité des noms grandiloquents, de vouloir faire évoluer les cons et de séquestrer le génie.

Pays de files ininterrompues, pays de l’attente, de l’omerta, pays des faux semblant et des médias vendus et sans prétention…je nous accuse de laisser mourir la Tunisie, et je les accuse de ne pas aimer la terre qui les a nourris, les gens qui les ont fait grandir, je les accuse de souiller la mémoire de leurs aïeuls et de leurs tombes oubliés, je les accuse de profaner le palmier et de profaner l’olivier, de trahir nos cigales et les montagnes du nord…de vendre nos sables et nos tempêtes, de ne pas aimer l’histoire dans les pierres éparses, d’avoir aimer plus, les villas sans goût aux ruines qui nous disaient grands et qui leur rappellent leurs ignominie.

J’accuse !

J’accuse ces temps quand les mots ne portent plus, quand des « Chebbi » qu’on passe sous silence meurent mille fois en prison, j’accuse ces temps d’avoir besoin de flammes pour réveiller nos âmes, j’accuse la rue de dormir sur sa faim, sur sa vengeance non consommée.

Je m’accuse, je nous accuse de lâcheté.

J’accuse de mensonge ces présentatrices sans principes et sans conscience qui viennent débiter leurs âneries devant des téléspectateurs qui n’y croient plus. Je nous accuse de les laisser parler des autres alors que nos criminels sont libres d’agir, nos murs tombent sur les innocents sans rugir, notre sang s’écoule lentement derrière les dents et les ongles et dans la pourriture des oueds réveillés.

J’accuse, citoyenne aussi impuissante que les saules de la route, et les candélabres des ruelles, les milles visages du pouvoir de se dédoubler sans fins…

J’accuse ce monde de ne pas voir derrière le bleu de nos plages, et le silence de ne pas porter des murmures.
Et je condamne le sang violet et le sang rouge et les sons qui perdurent…

Monsieur le président, votre altesse sans couronne ni sang bleu, je vous condamne de crime de silence, je vous condamne de crimes à outrance, vers ce pauvre peuple qui vous a aimé, ces gens massés sur votre passage qui scandaient votre nom, vous venez de les perdre monsieur le président, aucune mère ne viendrait vous saluer, elles sont en deuil, pour les fils brûlés, aucun homme ne viendra frôler vos mains, elle porte le sang de la jeunesse perdue.

Monsieur le président, il aurait fallu…

Quoi au juste, comme d’autres ont brûlé leurs corps, vous venez de brûler vos ponts, aucun retour possible, vous avez perdu l’amour, consolez-vous de votre trône.

Il aurait fallu gouverner de force sans voler au moins, sans laisser faire, sans couper les vivres ni fermer les yeux des gens malheureux.

Monsieur le président, je vous accuse vous, parce que vous l’avez voulu, vous portez sur vos épaules tout ce pays, ses ratés, son génie, vous en faites ce que vous voulez, je vous aurez félicité pour le bien, je vous accuse maintenant pour le crime que vous perpétrez.

Monsieur le président, osez quitter la table avant que vos convives ne la renversent avec ses mets périmés. osez aimer une fois ce pays et en l'aimant, vous aimer moins, et ce faisant, le quitter..

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bravo , bien dit!