mardi, janvier 11

Lettre ouverte...


Ouverte parce que censurée, déchiquetée, de peur de rage à en trembler.

Ceci est une lettre ouverte au gouvernement, vous qui lisez tout, contrôlez tout, devinez nos souffles, prédisez le dernier, ayez pitié des gens dans la rue.

Je suis sur un blog, je me sens protégée par un écran, je n’affronte pas le mal, je médis de lui. Je me sens épargnée…mais, les autres eux, ils ont ma colère mais n’ont pas de mots, ils ont ma colère et mon sang, ils ont l’amour de mon pays et ils sont sortis, ayez pitié d’eux.

Tout le monde est un « fils de », chaque personne est irremplaçable en somme, qu’ils les appellent terroristes, laissez-moi les appeler héros. Qu’ils les appellent ennemis de la Tunisie, ces gens morts même par erreur ont libéré les cris, ont libéré mes cris.

Ayez pitié de ce peuple, il s’est tu trop longtemps, il a mal et il souffre. Il ne s’est jamais plaint, ni des prix, ni des lions dans vos villas, ni des policiers corrompus, on a souri pour le monde, on a montré tous nos dents, et si nous pleurons, si nous pleurons aujourd’hui c’est qu’il y a bien une raison.

Je voudrais le dire au monde, nous sommes les gardiens de la paix, 10 millions de Ghandi qui ne faisaient que vivoter.

Si en ce jour, nous gémissons, si en ce jour nous brûlons c’est que quelque chose déborde, c’est qu’on a franchi une ligne.

Au lieu de nous offrir des mirages, au lieu de menacer, au lieu de nous redresser comme des impies, ne fallait-il pas combattre le mal, le vrai, pas nous, vous vous trompez de cible, pas nous…les voleurs, les vers de terre, les parasites, nos princes sans monarchie.

Ceci est une lettre ouverte, ouverte parce que tunisienne, pacifique et fatiguée…ceci est une lettre aux mots épuisés.

Nous ne sommes pas les autres, nous ne nous enorgueillissons pas de nos morts, nous ne les voulons pas, les avons jamais voulu. Mais faut-il du sang pour comprendre que nous avons durant des années, élevé des meurtriers, parmi nous courant les rues, prononçant des serments, « nous vous protégions hier, nous vous tuerons aujourd’hui».

Je ne veux pas comprendre pourquoi, je ne veux rien savoir sur la hiérarchie, je veux la vérité, une fois, une seule fois nue et qu’on vienne nous la dire sur fond violet, sur fond rouge, sans arrière plan, pourvu qu’on la dise.

Mes mots sont tristes et résignés, je n’ai jamais eu l’âme guerrière et je ne l’aurais sans doute jamais, mais j’ai envie de sincérité, j’ai envie d’aveux, j’ai envie d’honorer la mémoire des martyrs.

Nous avons tous grandi avec l’envie de sourire...mais nous ne pouvons plus continuer, on ne ferait que grimacer.

Ceci est une lettre franche cependant, vous pouvez les tuer tous, nous terroriser, vous avez sûrement le pouvoir de me réduire en silence, de nous réduire en cendres, mais ce serait gouverner le néant, vous auriez perdu les gens, et vous n’aviez que les gens.
On serait un pays de fantômes, on serait un pays de zombies, si c’est ce que vous voulez continuez à nous mentir, à les abattre.

Lettre ouverte vers le néant, vers l’inconnu, vers ce futur tout en gris, lettre ouverte pour qu’on la lise, qu’on la détruise, mais qu’on m’entende, qu’on les entende.

Je viens d’un pays de soleil, de l’olive et de la datte, je viens du pays de Didon et d’Ibn Khaldoun, pays des remparts et du plus grand Colisée. Je viens des côtes dorées, de la mer azur…

Je suis Tunisienne, comprenez-vous, je n’ai que ça, et ça, personne ne me le prendra.

3 commentaires:

ice a dit…

C'est tout simple, tout sincère, sort des tripes. J'ai aimé!
Puissent les destinataires lire cette lettre.

Mima a dit…

j'aimerais tellement qu'ils arrêtent...

TunisiaMum a dit…

Je le disais le 31/12, je l´avais dans mes tripes depuis mes 12 ans et la découverte de la Tunisie... A mort Ben Ali. Aujourd´hui mon rêve s´est réalisé...
Une révolution ne se fait pas dans la douceur...